En Belgique, bien qu'il n'existe pas encore de cadre légal fédéral spécifique pour les personnes intersexuées, diverses législations, notamment la loi des droits du patient, sont censées offrir une protection adéquate à ces individu·es. Cet article aborde comment le cadre légal existant répond (ou non) aux besoins des personnes intersexuées.
La loi belge des droits du patient du 22 août 2002 garantit plusieurs droits fondamentaux visant à assurer un traitement respectueux et de qualité. Elle stipule que chaque patient·e a droit à des services médicaux adaptés à ses besoins et conformes aux connaissances médicales actuelles, sans discrimination. Les soins dispensés doivent prendre en compte la douleur physique et psychologique du/de la patient·e et respecter la dignité humaine et l'autonomie de cellui-ci.
Cette législation permet également aux patient·es de choisir librement leur professionnel·le de santé et de changer de praticien·ne à tout moment. Les patient·es doivent être pleinement informé·es sur leur état de santé et ce de manière claire et compréhensible, en tenant compte de leur âge et de leur capacité de compréhension. Avant toute intervention médicale, un consentement libre et éclairé doit être obtenu : la/le patient·e devra donc recevoir préalablement à l’intervention des informations détaillées sur celle-ci, ses objectifs, risques, alternatives et implications financières.
Enfin, la loi assure la protection de la vie privée des patient·es et exige le maintien de dossiers médicaux précis et accessibles par le/la patient·e. Les patient·es peuvent également déposer plainte auprès d'un service de médiation si leurs droits ne sont pas respectés.
En ce qui concerne les mineur·es, leur droit au consentement éclairé est modulé selon un système d’autonomie croissante. Les parents sont décisionnaires quant aux soins reçus par la/le mineur·e, mais l’enfant doit être impliqué·e activement dans les décisions le/la concernant. L’avis de l’enfant doit donc être pris en compte, et celui-ci prend progressivement plus de poids à mesure qu'iel grandit et gagne en maturité. Afin de pouvoir s’impliquer dans son parcours de soins, la/le mineur·e doit recevoir des explications claires et adaptées à son niveau de compréhension. Un critère subjectif de maturité est donc privilégié plutôt qu’un système objectif de limite d’âge : les prestataires de soins de santé évaluent au cas par cas l'implication appropriée des mineur·es dans l'exercice de leurs droits, en tenant compte de leur maturité intellectuelle et émotionnelle ainsi que de la gravité et des risques de l'intervention. Ce critère subjectif offre donc beaucoup de liberté au corps médical, à qui il appartient également d'informer les parents de façon satisfaisante sur les réalités intersexes.
Comme mentionné dans l'article Cadre légal, l'hôpital des enfants Reine Fabiola de Bruxelles (HUDERF) a été condamné en 2023 pour la première fois en raison des violences médicales infligées à une mineure intersexuée, sur la base de la loi des droits du patient. Ce jugement marque un tournant significatif dans la reconnaissance légale des droits des patient·es intersexué·es et des préjudices spécifiques qu'iels peuvent subir. Il est plausible que ce premier jugement établisse une jurisprudence, influençant les futures décisions judiciaires et renforçant la protection des droits des personnes intersexuées dans le domaine médical.
En Belgique, il est obligatoire de déclarer la naissance d’un·e enfant auprès de l’officier·ère de l’état civil de sa commune dans les 15 jours suivant l’accouchement. L’acte de naissance doit inclure le sexe de l’enfant, qui est déterminé par un·e professionnel·le de santé sur la base d’un examen des organes génitaux externes. Les deux options disponibles pour l'enregistrement du sexe sont “M” et “F”.
Pour les enfants dont les organes procréatifs externes ne permettent pas une distinction immédiate, un délai supplémentaire de trois mois (Article 48 du Code Civil) peut être accordé pour déclarer le sexe, sous réserve de la présentation d’une justification médicale. Ce délai est prévu pour réaliser des examens afin de déterminer le “vrai sexe” de l’enfant. L'enregistrement du prénom, quant à lui, doit être effectué dans un délai d'une semaine maximum.
Si, plus tard dans sa vie, une personne intersexuée souhaite modifier son enregistrement de sexe à l’état civil, deux procédures existent :
Dans les deux cas, la modification du sexe est enregistrée sur l’acte de naissance mais n’a pas d’effet rétroactif. Pour plus d’informations sur ces procédures, consultez la brochure de l’IEFH (p.55).
En Belgique, la discrimination sur la base des caractères sexués est punie par la loi. L’organisme compétent en matière de discrimination dans ce cas est l’Institut pour l’Egalité des Femmes et des Hommes (IEFH). Sont punissables la discrimination directe et indirecte, mais aussi le harcèlement, sexuel ou non, ainsi que l’injonction ou l’incitation à la discrimination. Pour plus d'informations sur ce qui constitue de la discrimination, consultez le site de l’IEFH.
Il est important de signaler les faits de discrimination aux autorités compétentes, même si cela vous semble une “perte de temps” qui n’aboutira à rien. Il est vrai qu’à moins d’avoir des preuves concrètes de la discrimination, il est rare qu’une plainte aboutisse à une procédure en justice. Cependant, ces signalements permettent à l’IEFH de rassembler des données importantes sur la situation belge en matière de discrimination, ce qui leur permet de formuler des recommandations afin de renforcer les politiques anti-discrimination menées par les autorités publiques. En outre, des procédures alternatives à une poursuite judiciaire peuvent parfois être mises en place avec le soutien de l’IEFH.
Si vous êtes victime de discrimination, la première démarche consiste à déposer une plainte auprès de la police, au commissariat le plus proche. Il est préférable de porter plainte le plus rapidement possible après les faits. Si l’agression est ancienne, il est malgré tout important de la signaler. Déposer une plainte peut ouvrir la voie à d'autres plaintes futures visant la même personne ou le même organisme.
Vous pouvez être accompagné·e lors du dépôt de plainte, que ce soit par un·e ami·e ou une personne de confiance, ou par un·e professionnel·le formé·e à ce type d'accompagnement. Cellui-ci pourra vous préparer en amont aux types de questions qui vous seront posées et vous rappeler les détails importants à préciser. Les Maisons Arc-en-Ciel disposent de professionnel·les formé·es à cet effet.
Pour effectuer un signalement à l'Institut pour l'Égalité des Femmes et des Hommes (IEFH), vous pouvez utiliser un formulaire en ligne ou appeler le 0800 12 800. Le signalement peut être fait anonymement ou en votre nom. Si vous choisissez de porter plainte en votre nom, votre identité ne sera pas révélée à la personne ou à l'organisation concernée sans votre accord préalable. Porter plainte en votre nom facilite surtout le suivi de votre dossier, si vous souhaitez être recontacté·e concernant son avancement.
1 Entre 16 et 18 ans, une attestation de discernement délivrée par un pédopsychiatre et l'accord des parents sont nécessaires pour effectuer ce changement. Plus d’infos dans l'article Démarches administratives.
IEFH, Personnes intersexes
SPF Santé publique (2017), Loi “Droits du patient”
OII-Europe (2020), Protéger les personnes intersexes en Europe : guide pour les législateur·ice·s et les décideur·euse·s politiques
Callens, Motmans & Longman, Onderzoekscentrum voor Cultuur en Gender, Universiteit Gent (2017), IDEMinfo.be
IEFH (2020), Brochure d’information à l’intention des parents d’enfants présentant des variations des caractéristiques sexuelles