Les personnes intersexuées ne forment pas un groupe homogène : chaque personne a une expérience différente du monde médical et de marginalisation sociale. Comme pour toute autre personne, il est important de reconnaître cette diversité et d'adapter votre approche en fonction de chaque patient·e. Cependant, les personnes intersexuées ont également des vécus spécifiques dont il faut tenir compte. La plupart des personnes qui sont conscientes de leur intersexuation ont probablement vécu de la discrimination due à l’interphobie et parfois des interventions médicales non consenties. Les personnes qui ont subi ces interventions de “normalisation” dans l’enfance en particulier peuvent avoir un rapport difficile avec le corps médical, en raison des atteintes à leur intégrité physique et psychique. Ces expériences peuvent entraîner un stress post-traumatique, des douleurs chroniques et une tendance à éviter les soins médicaux.
Cet article présente quelques points-clés à garder à l’esprit pour offrir une prise en charge respectueuse et adaptée aux personnes intersexuées.
Il peut être difficile de déterminer si un problème de santé est lié à l’intersexuation du/de la patiente. Écoutez le/la patient·e pour comprendre ses préoccupations et les liens possibles entre sa variation et ses problèmes de santé. Certains problèmes de santé peuvent également découler des interventions médicales que la personne a subi par le passé (perte de fonction, douleur chronique, etc).
Au vu de la méconnaissance généralisée des intersexuations, un besoin pressant des patient·es intersexué·es et de leurs proches est le besoin d’information complète et non pathologisante, non seulement sur leur variation, mais aussi sur leurs droits en tant que patient·e. Une communication proactive de la part de la/du médecin est essentielle pour permettre à la personne de prendre des décisions éclairées concernant son corps. N’hésitez pas à vous outiller si nécessaire en consultant des ressources créées par et pour des personnes intersexuées.
Avant de proposer une intervention (chirurgicale, médicamenteuse, examen intrusif), évaluez si elle est réellement nécessaire pour la santé du/de la patient·e. Certains traitements médicaux comme le traitement des pertes de sel dans certains cas d’hyperplasie congénitale des surrénales sont nécessaires et urgents. En revanche, d’autres interventions, comme la chirurgie génitale sur les bébés intersexués, sont des interventions non essentielles qui peuvent avoir des conséquences physiques et psychologiques importantes.
Un argument régulièrement avancé en faveur des interventions de “normalisation”, particulièrement dans les cas d’insensibilité aux androgènes, est le risque de dégénérescence tumorale des gonades internes. Cependant, celui-ci ne justifie généralement pas une gonadectomie systématique. La surveillance régulière des gonades est une alternative moins invasive qui permet de préserver l’intégrité physique de l'enfant et d’éviter une puberté artificielle causée par une thérapie hormonale de substitution. En réalité, la gonadectomie est souvent réalisée par crainte d’une puberté virilisante chez les personnes assignées filles. Cependant, c’est au/à la jeune de choisir le type de puberté qui lui convient et au/à la médecin de proposer les solutions les moins invasives possibles (bloqueurs d’hormones, antiandrogènes, …).
Lorsqu’un·e patient·e intersexué·e émet le souhait de subir une intervention médicale non-nécessaire, assurez-vous que son consentement soit libre, éclairé, préalable et explicite. Il est important de confirmer que le/la patient·e ne subit pas de pression normalisante de la part de son entourage ou d’autres professionnel·les de santé. Iel devrait avoir accès à l’information complète concernant ses options de traitement (ou non), le déroulement de l’intervention souhaitée et ses conséquences possibles sur la santé. Pour les patient·es mineur·es, informez les parents tout en respectant les souhaits du/de la patient·e, qu'iel aura émis après avoir reçu une information claire et adaptée à son âge.
Si un·e patient·e hésite, proposez du temps de réflexion et le cas échéant, orientez-le/la vers un accompagnement psychologique adapté ou vers des associations intersexes pour un soutien entre pair·es. Valorisez toujours la prise de décision du/de la patient·e pour toute intervention, y compris les examens médicaux, afin de favoriser son intégrité physique et son indépendance face au monde médical.
Le Collectif Intersexe Activiste propose une procédure à suivre afin de s’assurer du consentement d’un·e patient·e (p.21).
Si vous estimez que vos connaissances sur les intersexuations sont insuffisantes, n'hésitez pas à faire appel à des associations intersexes pour vous former. Vous pouvez consulter la Cartographie des activités ou contacter info@pratiq.be pour obtenir plus d'informations sur les formations disponibles. De nombreuses ressources sont également accessibles sur notre site.
Consultez cette vidéo réalisée par l'Institut pour l'Egalité des Femmes et des Hommes, qui résume une partie de ces propos :
CIA-OII France (2022), Enjeux médicaux et psychosociaux pour les patient·e·s intersexes
CIA-OII France (2020), Enquête sur la santé des personnes intersexes
InterACT (2015), What we wish our doctors knew
Dr Maxence Ouafik, entretien 05/03/24