Cette journée mondiale a été instaurée pour commémorer les personnes trans assassinées en raison de la transphobie. Elle vise également à mettre en lumière les violences que subissent les communautés trans.
L'histoire de cette journée remonte à 1998, suite au meurtre de Rita Hester, victime d'un crime de haine transphobe. Cette initiative a débuté sous forme de projet web, "Remembering Our Dead," et a progressivement évolué pour devenir le Transgender Day of Remembrance, une journée d'action internationale.
La Fédération Prisme était partie à la rencontre de cinq personnes en 2021. 5 rencontres. 5 expériences de personnes trans* en Belgique.
Nous vous proposons de replonger dans ces petits témoignages pour célébrer et visibiliser cette journée internationale.
À l'heure actuelle, où je trouve que malheureusement circulent beaucoup de mauvaises informations de la part des médias et sur les réseaux sociaux, cette journée est encore importante afin d'apporter une visibilité positive à la communauté des personnes transgenres. Actuellement, je ne subis presque plus jamais de transphobie directe, mais je rencontre des personnes transphobes. L'avantage de mon passing y est pour beaucoup : on ne peut pas deviner ma transidentité si je n'en parle pas. Je me plais donc à ouvrir le débat, la plupart du temps, on nous déteste parce qu'on ne nous connaît pas et parce qu'on nous imagine mal aussi. Un jour, j'espère que nous n'aurons plus besoin de cette journée, quand nous ne serons plus perçus comme des personnes "anormales". Quand il n'y aura plus de transphobie et surtout plus aucune vie volée par un crime transphobe. C'est peut-être utopiste, mais il me plaît de rêver que le monde puisse tourner sans haine.
Je m'appelle Aurélio, j'ai 25 ans, mes pronoms sont il/lui, et je vis du côté de Louvain-la-Neuve. Je m'identifie comme un homme trans pansexuel.
Pour moi, le 20 novembre est une journée importante pour faire comprendre aux personnes qui ne font pas partie de la communauté LGBTQI+ que nous sommes comme eux. Elle est aussi là pour leur rappeler qu'il est inutile de nous regarder comme si nous étions des monstres venus de Mars, ou comme si nous étions moins que rien.
Personnellement, je vis tous les jours la transphobie. Je dois me battre au quotidien contre ces personnes et ces mentalités qui ne nous respectent pas et qui ne comprennent pas que nous ne sommes pas des personnes malades. À leurs yeux, être une personne transgenre est un choix, alors que ce n'est pas du tout le cas. Ils préfèrent fermer les yeux sur cette réalité, ne se remettent pas en question quand je les mets devant les faits accomplis. Pour eux, le traitement qu'ils nous infligent est tout à fait normal.
Il est encore important d'avoir une journée comme celle-ci pour faire comprendre à toutes ces personnes qui décident de ne pas nous respecter que cela ne se fait tout simplement pas et que cela peut nous faire énormément de mal, aussi bien mentalement que physiquement (pour certains). C'est aussi une journée pour rappeler à la justice qu'il faut renforcer les lois et que les forces de l'ordre soient réellement à notre écoute si nous sommes amenés à porter plainte pour une quelconque agression.
Je m'appelle Olivia, j'ai 24 ans, et je vis à Liège. Je suis une femme trans, et mes pronoms sont : elle/elle.
Le 31 mars, c'est mon anniversaire. Il y a encore quelques années, je soufflais les bougies en pensant que c'était impossible pour moi d'être heureuse. Mais en 2020, j'ai fait le grand saut et j'ai commencé ma transition. En 2021, le 31 mars, je fêtais pour la première fois mon anniversaire en tant qu'Olivia, et cela, c'est grâce à l'aide de beaucoup d'autres personnes trans.
Le plus grand frein dans ma transition a toujours été que je ne comprenais pas très bien ce qu'était une femme, ni une femme trans, donc je me disais que je n'en étais sûrement pas une. Je me suis cherchée des excuses pendant 21 ans. En fréquentant beaucoup de personnes ouvertes et des communautés LGBTQIA+, j'ai commencé à comprendre qu'il n'y avait pas de "prérequis" pour commencer sa transition.
Le 20 novembre est important, car c'est en montrant que nous existons que nous pouvons continuer à aider d'autres personnes trans. Que ce soit pour mieux faire comprendre nos droits et besoins en tant qu'êtres humains, pour aider ceux qui, comme moi, n'osent pas se lancer, ou pour changer les mentalités. Le 20 novembre est en tout cas un jour spécial pour moi : je me sens beaucoup mieux grâce à ma transition, et ma vie a pris un tournant que je ne pensais pas possible. Maintenant que j'ai été sauvée, je me sens prête à aider les autres comme je peux. Pour mon 22e anniversaire, et le premier en tant qu'Olivia, je souhaitais qu'au moins une autre personne, qui, comme moi par le passé, ne se sentait pas capable de commencer sa transition, laisse ses peurs derrière et accepte d'être heureuse.
Je pense que cette journée est importante car elle nous rappelle la réalité injuste de la communauté trans. Elle dénonce l'hégémonie de l'hétéronormativité construite par le colonialisme et nous reconnaît comme une partie essentielle des communautés et des cultures. Vivre pleinement sa vie, montrer son identité, est une chose que la plupart des gens considèrent comme allant de soi, mais dans le cas des personnes trans, cela peut devenir très dangereux car notre représentation dans l'imaginaire social, dans les médias et dans les produits de consommation culturels et de divertissement est négative ou inexistante, ce qui finit par aggraver nos risques d'exclusion. En d'autres termes, nos corps trans sont des lieux de luttes internes et externes pour la libération, où la déconstruction de l'hégémonie est permanente.
Pour moi, ce qui est important à propos de cette date, c'est aussi la réflexion sur la manière et la raison pour laquelle la visibilité en tant que personne transgenre n'est pas une approche unique pour toutes les personnes transgenres. Comprendre pourquoi certaines personnes peuvent embrasser la visibilité, tandis que d'autres, pour des raisons de confort, de sécurité ou d'autres raisons profondément personnelles, peuvent ne pas se sentir à l'aise en étant visiblement trans, est un processus de réflexion et de travail au sein et en dehors de la communauté trans.
Après tout, les menaces de violence au sein de la communauté trans ne sont pas uniformément réparties. Par exemple, au Pérou, d'où je viens, de nombreuses personnes transgenres peuvent vivre avec plus de risques d'exclusion économique et sociale car elles sont souvent confrontées à de multiples formes de discrimination, notamment la transphobie, le racisme, le classisme, la misogynie, entre autres formes de marginalisation institutionnelle. C'est peut-être au Pérou que j'ai compris pour la première fois que pour les personnes transgenres racisées, la visibilité ne se traduit pas par l'acceptation, mais plutôt par des regards évaluants, jugeants, discriminants et restrictifs. C'est pourquoi des revendications telles que la visibilité trans sont plus que nécessaires dans la lutte contre les discriminations et dans le travail pour une véritable déconstruction sociale, puisque l'identité trans est un vécu subversif qui défie toujours l'hégémonie.
C'est un peu compliqué de trouver les mots, cette journée était très importante pour moi il y a quelques années grâce aux personnes qui se sont rendues visibles, ont exprimé qui elles étaient.
Il y a 15 ans, je n'avais pas accès à toutes ces informations (pas d'ordinateur, pas de smartphone), ce qu'on trouve plus facilement sur internet maintenant est utile, on peut en discuter plus facilement, avoir des modèles, réfléchir, se construire.
J'ai cette volonté de passer le relais. Quand on est apaisé avec son genre, on regarde toute cette communication, ces campagnes, on se dit "espérons qu'elles soient utiles à quelqu'un". Car ça ne sera jamais de trop.
Même quand on a passé 30 ans comme moi et fait sa transition "sur le tard", il n'est jamais trop tard. L'information est arrivée jusqu'à moi grâce aux personnes qui se sont rendues visibles, qui informent et militent.
On se demande aussi si j'ai le droit d'exister ? Est-ce que le harcèlement et les moqueries ne vont pas me tomber dessus et me faire renoncer ? C'est là aussi qu'il faut être absolument présent·e pour toutes les personnes trans en questionnement. Une société basée sur la loi du plus fort, l'oppression, et où les brutes règnent, a échoué. Jamais personne ne devrait être laissé·e sur le côté.
On se dit qu'on souhaite que chacun·e se sente bien, que chacun·e puisse avancer sur son chemin, peu importe ses décisions. La journée de visibilité trans c'est "Ah tiens, cette personne est trans, c'est cool !" parce qu'après quelques années, c'est devenu "comme ça", ça devrait juste être comme un pan de ton identité. Certain·es en sont très fier·es et ils ont tout à fait le droit, ils sont légitimes. D'autres sont plus réservé·es, et c'est ok là aussi, il n'y a pas de cahier des charges à suivre absolument, il n'y a rien à prouver.
Au plus les gens s'affirment et se sentent bien, plus je les vois évoluer, trouver confiance en elles, plus je suis heureux pour elles. Il n'y a pas de "mode trans", il y a que des gens qui - je l'espère - avancent sur leur réflexion, leurs ressentis, en ressortent plus libres, heureux-ses, affirmé·es. Ce n'est pas, au fond, ce qu'on souhaite à toute personne, peu importe qu'elle soit cis ou trans ?
En tout cas, c'est mon ressenti au quotidien, j'ai un côté très militant et affirmé maintenant, et j'essaie de faire bouger les choses à mon niveau, ou en m'exprimant ici pour Prisme.
C'est ce que je souhaite à toute personne trans en questionnement : fais ton chemin petit à petit. Nous avons une journée de visibilité rien qu'à nous, et c'est cool, cessons de nous excuser d'exister.
